Société

Mym : usurpation et harcèlement quand le partage intime tourne au cauchemar

9 juin 2023 à 12h29

Mym : usurpation et harcèlement quand le partage intime tourne au cauchemar

Des faussaires 2.0 exploitent des photos de jeunes femmes pour créer de faux profils sur Mym, une plateforme proposant du contenu érotique et pornographique. Cette pratique illégale soulève des questions sur le droit à l'image et l'usurpation d'identité. Les victimes se battent pour protéger leur réputation, tandis que Mym tente de contrer ces usurpations.

La plateforme Mym, équivalent français d'OnlyFans, est au cœur d'une controverse. Des faussaires 2.0 ont développé une stratégie pour créer de faux profils en utilisant les photos de jeunes femmes issues de leurs comptes publics sur les réseaux sociaux traditionnels. Ces profils fictifs sont ensuite utilisés à des fins lucratives, proposant du contenu « exclusif » d'influenceuses, principalement érotique voire pornographique, moyennant des abonnements mensuels allant de 9,99 à 44,99 euros par profil suivi. Cette pratique, non seulement illégale en termes de droit à l'image, mais également d'usurpation d'identité, pose de sérieux problèmes pour les victimes qui voient leur réputation ternie et leur intimité violée.

Alice, une ingénieure d'affaires de 25 ans, a été victime de cette usurpation d'identité à plusieurs reprises. Elle a reçu de nombreux messages de ses amis l'alertant qu'une personne se faisait passer pour elle sur Mym. Ces faussaires récupèrent son nom et ses photos sur des comptes publics de réseaux sociaux pour recréer un faux profil sur la plateforme. Ils suivent également tous ses amis, créant ainsi l'illusion que c'est bien Alice derrière ce compte. Pour Alice, cette pratique est non seulement « pénible », mais elle pourrait aussi nuire à son image. Elle souligne que les photos qu'elle publie ne sont pas extravagantes, certaines étant simplement des photos en maillot de bain, ce qui est courant dans le Sud où elle réside. Elle respecte les personnes qui choisissent de se lancer sur des plateformes exclusives, mais elle ne souhaite pas être associée à ce type de contenu, car cela ne correspond pas à son style.

Clara, une étudiante de 20 ans, a également été confrontée à cette situation. Heureusement, le problème a été résolu rapidement après que ses amis ont signalé le faux compte, qui a été supprimé quelques heures plus tard. La direction de Mym assure que ces cas sont marginaux et affirme mettre tout en œuvre pour les éviter. Selon la plateforme, un processus strict est en place pour certifier les profils des créateurs de contenu. Les comptes doivent être vérifiés avec une carte d'identité et un compte bancaire au même nom, un selfie avec un code spécifique doit être envoyé, et au moins cinq contenus doivent être publiés pour que l'intelligence artificielle de la plateforme puisse vérifier les visages sur les différentes images.

Pourtant, malgré ces mesures, de faux comptes parviennent tout de même à être créés. Une fois les étapes de certification et de vérification franchies, les utilisateurs ont la possibilité de modifier leurs informations et leurs photos. Mym admet que son système n'est pas infaillible et qu'une prémodération est effectuée pour contrôler les contenus avant leur publication à l'aide d'un algorithme. Les personnes malveillantes pensent pouvoir faire ce qu'elles veulent de leur compte une fois qu'elles sont certifiées, mais l'intelligence artificielle de Mym détecte rapidement la supercherie et supprime le compte. Selon la plateforme, lorsque les victimes signalent l'usurpation de leur identité, le profil est supprimé en quelques heures.

Si l'objectif de ces usurpateurs est de gagner de l'argent, la rapidité d'action des victimes et de la plateforme rend leur entreprise très difficile, voire impossible. En cas de fraude détectée, les abonnements souscrits et les fonds collectés sont bloqués par Mym. Sur le plan juridique, cette pratique est totalement illégale. La publication d'une photo ou d'une vidéo d'une personne sans son consentement constitue une atteinte au droit à l'image, passible d'un an d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 euros. L'usurpation d'identité est également punissable de la même manière. Même si la victime a délibérément publié son contenu en ligne, cela ne signifie pas qu'elle autorise sa republication sur d'autres comptes ou réseaux. Selon Clara Viguié, avocate spécialisée en droit public, il est erroné de prétendre que ces personnes ont choisi de se mettre en avant dans des contenus, même dénudés, et qu'elles ne peuvent donc pas se plaindre de leur utilisation abusive. Du point de vue légal, cela ne tient absolument pas. Les plateformes, en tant qu'hébergeurs, sont tenues de réagir rapidement pour supprimer les faux comptes.

Le catfishing, qui consiste à se faire passer pour quelqu'un d'autre sur les réseaux sociaux, est un phénomène ancien. Le fait de diffuser des photos compromettantes à l'insu des personnes concernées existe également depuis longtemps, comme en témoigne l'affaire Hunter Moore, qui a éclaté dans les années 2010 aux États-Unis et a été retracée dans la mini-série Netflix intitulée "L'homme le plus détesté d'Internet". À l'époque, Hunter Moore avait créé un site appelé "Is Anyone Up?" permettant aux internautes de se livrer à du "revenge porn" en publiant des images et des vidéos, parfois piratées, de jeunes femmes contre leur volonté, accompagnées d'informations personnelles obtenues notamment sur Facebook. Cependant, ce phénomène a évolué aujourd'hui. Les photos reprises et diffusées sur les faux comptes Mym ne sont pas le fruit de piratages, mais proviennent de profils accessibles à tous les internautes.

Le glissement de l'intime sur les réseaux sociaux, dans un contexte de libération des tabous, explique cette évolution. Certaines femmes partagent publiquement des contenus sexy pour diverses motivations, que ce soit pour plaire, gagner en confiance en soi ou même à des fins politiques dans une démarche body positive. Cependant, cela peut rapidement conduire à du harcèlement, avec des personnes qui envoient toutes sortes de demandes sordides par messages privés. De plus, ces contenus peuvent être republiés sur des plateformes comme Mym. La psychologue Vanessa Lalo souligne qu'il n'y a aucune justification à de tels actes. Selon elle, la solution simple consiste à mettre ses comptes en privé ou à diffuser certains contenus uniquement auprès d'un public choisi, comme le proposent la plupart des réseaux sociaux.

En conclusion, la plateforme Mym est confrontée à un problème d'usurpation d'identité et de reprise de photos de jeunes femmes à des fins commerciales. Des individus malintentionnés récupèrent les noms et les photos de ces femmes sur des comptes publics de réseaux sociaux, puis créent de faux profils sur Mym pour proposer du contenu érotique ou pornographique payant. Cette pratique est illégale en termes de droit à l'image et d'usurpation d'identité. Mym met en place des mesures de certification et de prémodération pour éviter ces abus, mais reconnaît que son système n'est pas infaillible. Les victimes et la plateforme réagissent rapidement pour supprimer les faux comptes et bloquer les fonds collectés par les usurpateurs. Juridiquement, la publication de photos sans consentement et l'usurpation d'identité sont passibles de sanctions pénales. La pratique du catfishing et de la diffusion non autorisée de photos compromettantes existe depuis longtemps, mais elle évolue aujourd'hui avec la récupération de contenus accessibles publiquement sur les réseaux sociaux. La psychologue Vanessa Lalo recommande de mettre ses comptes en privé et de ne diffuser certains contenus qu'auprès d'un public choisi pour éviter ces dérives.